mardi 10 juillet 2012

Féministes en Mouvements 2012



TEXTE DE SORTIE
Nous, Féministes en mouvements réunies à plus de 700 à Evry les 7 et 8 juillet 2012, pour la deuxième édition des rencontres d’été, réaffirmons l’urgence des chantiers pour atteindre l’égalité femmes-hommes.
Depuis plus de 40 ans, les mobilisations féministes ont permis l’avancée des droits des femmes, mais  leur application réelle stagne, voire régresse. Les inégalités entre les femmes et les hommes, enracinées dans le système patriarcal, minent notre société et notre démocratie : elles freinent l’émancipation des individus. L’égalité et la laïcité sont des conditions indispensables de la démocratie et du progrès social pour toutes et tous ! La construire, c’est lutter dans tous les domaines contre les stéréotypes et normes sexistes et hétérocentrées. C’est aussi combattre l’oppression, la domination et toutes les formes de discriminations, partout. Les droits des femmes doivent être défendus dans les instances internationales, notamment lors des prochaines conférences mondiales des femmes.
Le mouvement féministe est bien vivant, il est résolument moderne, nous le constatons tous les jours. Nos récentes mobilisations, notamment pour le maintien du droit effectif à l’avortement, contre la réforme des retraites et contre les violences faites aux femmes, en sont la preuve. Au cours des derniers mois, nous avons largement contribué à mettre à l’agenda politique les questions féministes. Le Président de la République a notamment pris 40 engagements en faveur de l’égalité femmes-hommes.
Si nous nous félicitons de la parité au gouvernement et de la création du Ministère des Droits des Femmes, nous exigeons que ce ministère ait un budget conséquent, une administration dédiée et les moyens pour agir concrètement notamment via le Service des Droits des Femmes sur tout le territoire. De même, la parité doit s’imposer partout, à chaque niveau décisionnel. Nous soutenons l’engagement féministe de la ministre Najat Vallaud-Belkacem sur différents chantiers : égalité professionnelle, lutte contre les violences faites aux femmes, dont le harcèlement sexuel et la prostitution.
Nous restons aussi lucides, car dans un contexte de crise, les politiques de rigueur menées dans plusieurs pays européens relèguent au second plan les mesures pour l’égalité, tandis que la précarité des femmes s’aggrave partout. Nous refusons que le contexte économique serve de prétexte à hiérarchiser les priorités au détriment de l’égalité femmes-hommes : les femmes restent les premières victimes de ce système économique en crise.
Nos analyses, actions de terrain et propositions, font de nous une force politique et un partenaire sociétal, constructif et incontournable, partie prenante d’une politique publique transversale destinée à assurer l’égalité femmes-hommes.

Les 30 revendications de notre manifeste « Mais qu’est-ce qu’elles veulent encore ? » remis à François Hollande le 7 mars dernier sont plus que jamais d’actualité. Au vu des échéances qui s’annoncent, donnons-nous rendez-vous le 8 mars prochain pour mesurer les résultats sur les priorités suivantes :
  • Sanctionner les entreprises qui maintiennent les inégalités de salaires et augmenter les cotisations patronales sur les emplois à temps partiel ;
  • Mettre en place un observatoire national des violences faites aux femmes et programmer la création de 1000 places d’hébergement pour les femmes victimes de violences ;
  • Appliquer la convention interministérielle pour l’égalité fille-garçon dans le système éducatif ;
  • Engager la création d’un service public de la petite enfance et de la dépendance.
Les associations féministes œuvrent tous les jours pour construire une société égalitaire ; elles exigent des subventions pérennes et à hauteur de leurs besoins.
Nous continuerons à nous mobiliser sans relâche pour faire connaître ces exigences, les développer et suivre leur mise en œuvre. Nous avons déjà trop attendu. Nous n’attendrons pas plus longtemps : l’égalité, c’est maintenant !

samedi 7 juillet 2012

Compte rendu du café philo « Faut-il rouvrir les maisons closes ? »


Compte rendu du café philo
« Faut-il rouvrir les maisons closes ? »


le vendredi 22 juin 2012 à l’EGIDE, Lille

organisé par
le CRSH - Comité pour la Reconnaissance Sociale des Homosexuels -
et Ni Putes Ni Soumises 59
avec la participation de Osez Le Féminisme ! 59


Les intervenant-e-s :

Le groupe composant le débat sur le thème des maisons closes réunissait des personnes d’opinions diverses quant à la problématique du jour. Outre les organisateurs-trices du café philo : CRSH Lille et NPNS59, OLF !59 était présente ainsi que quelques écoutant-e-s extérieur-e-s. A noter qu’une personne souhaitant garder l’anonymat s’est présentée comme une « travailleuse du sexe à domicile », une « escort indoor » et a fait preuve d’un grand courage en se joignant au débat pour partager son point de vue sur la situation qu’elle-même et d’autres personnes vivent au quotidien.

Problématique de la soirée :

Régulièrement en France, le débat sur la possible réouverture des maisons closes est remis à l’ordre du jour. Rappelons que les maisons de tolérance ont été définitivement fermées en France par la Loi n°46-685 du 13 avril 1946 dite MARTHE RICHARD. Cependant la seule mesure restrictive des fermetures d’établissement a été un échec quant à la marchandisation des corps et toutes les questions sanitaires liées au fléau. C’est face à ce constat que la problématique de la réouverture des maisons closes, comme possible endiguement du flot des personnes prostituées face auquel la France semble être dépassée, s’est naturellement posée. Quand on ne pense pas pouvoir régler le problème, n’est-il pas préférable de l’encadrer pour mieux le surveiller ?  Les maisons de passe sont–elles des réponses de moindre mal pour « protéger » les personnes prostituées ? Les personnes prostitué-e-s sont elles des victimes ?  La position française de criminalisation des personnes prostituées est elle efficace ?  Faut-il pénaliser le client ? Quelles leçons pouvons-nous tirer des différentes positions légiférantes de nos voisins européens ?

Déroulé de la soirée et interventions :

Afin de conserver la confidentialité du café philo, les différentes interventions ne  seront volontairement pas attribuées à leur défenseur-e respecti-f-ve.

Une grande partie du débat s’est naturellement concentrée sur les pays étant déjà intervenus significativement sur la question de la prostitution en l’abolissant ou en la légalisant pleinement. Du côté de la légalisation, l’Allemagne, les Pays Bas, la Suisse font partie des pays où la prostitution et les maisons closes sont légales et règlementées. Pour Ursula Reichling, procureure générale allemande et auteure d’un rapport pour la Commission européenne sur le sujet: « Depuis la dépénalisation, le nombre de victimes du trafic d’êtres humains a augmenté de 40 % en Allemagne ». Cette citation résume le constat accablant fait sur les États ayant légalisé le proxénétisme et la prostitution.  Les participant-e-s au débat se sont accordé-e-s majoritairement pour dire que cette méthode n’était pas la réponse adéquate face aux multiples visages que la prostitution pouvait emprunter en France.

Actuellement la France possède une position équivoque sur la question de la prostitution. Aujourd’hui elle n’est pas réprimée en tant que telle mais le racolage et le proxénétisme sont punis par la loi. Cette absence de réglementation contribue à la marginalisation des personnes prostituées et renforce leur isolement, ayant très peu de recours en cas de violences.  Les personnes prostituées  souhaitant se réinsérer ne peuvent s’appuyer que sur le milieu associatif limité dans ses moyens. La personne « escort indoor » ayant souhaité intervenir lors du café philo a insisté sur le sentiment de solitude. Elle a déploré l’absence de points d’écoute pour des personnes dans sa situation.
Il a été rappelé que 80% des prostitué-e-s étaient d’origine étrangère. Ce statut d’anonyme contribuait, dans leur isolement, à les exposer en plus grande partie à des risques d’agressions, le proxénète et le client agresseur se sentant encore plus invulnérables face à une cliente « muette ».

Enfin les pays abolitionnistes comme la Suède, la Norvège ou l’Islande, où la personne prostituée est considérée comme victime d'un système qui l’exploite, refusent toute forme de pénalisation de la personne prostituée et poursuivent les « clients-prostitueurs ». En Suède, le bilan de plus de dix ans de loi abolitionniste est positif, la prostitution de rue a nettement diminué, La police nationale indique que le recrutement de nouvelles femmes pour la prostitution a quasiment cessé et nombre de personnes prostituées se sont dirigées vers des structures adaptées pour se réinsérer socialement.

Bilan :

Malgré le constat nordique encourageant, tous-tes les intervenant-e-s se sont accordé-e-s à dire que le vote d’une loi était insuffisant, bien que nécessaire, pour répondre au problème de l’exploitation sexuelle.


Sabah

Osez le féminisme ! demande au gouvernement :

  1. la suppression de toutes les mesures répressives à l’encontre des victimes de la prostitution,
  2. la mise en place de moyens de protection et d'accompagnement social, incluant l'accès à la santé et au logement pour toutes les personnes prostituées,
  3. la mise en place de véritables alternatives à la prostitution et l'ouverture de droits effectifs pour toutes les personnes prostituées, y compris étrangères,
  4. l’interdiction de tout achat d’un acte sexuel et la pénalisation des clients,
  5. le renforcement de la lutte contre toute forme de proxénétisme,
  6. une politique ambitieuse d’éducation à une sexualité libre et respectueuse de l’autre, et à l’égalité entre les femmes et les hommes,
  7. une politique de prévention de la prostitution, et de formation et d’information à ses réalités.