samedi 7 juillet 2012

Compte rendu du café philo « Faut-il rouvrir les maisons closes ? »


Compte rendu du café philo
« Faut-il rouvrir les maisons closes ? »


le vendredi 22 juin 2012 à l’EGIDE, Lille

organisé par
le CRSH - Comité pour la Reconnaissance Sociale des Homosexuels -
et Ni Putes Ni Soumises 59
avec la participation de Osez Le Féminisme ! 59


Les intervenant-e-s :

Le groupe composant le débat sur le thème des maisons closes réunissait des personnes d’opinions diverses quant à la problématique du jour. Outre les organisateurs-trices du café philo : CRSH Lille et NPNS59, OLF !59 était présente ainsi que quelques écoutant-e-s extérieur-e-s. A noter qu’une personne souhaitant garder l’anonymat s’est présentée comme une « travailleuse du sexe à domicile », une « escort indoor » et a fait preuve d’un grand courage en se joignant au débat pour partager son point de vue sur la situation qu’elle-même et d’autres personnes vivent au quotidien.

Problématique de la soirée :

Régulièrement en France, le débat sur la possible réouverture des maisons closes est remis à l’ordre du jour. Rappelons que les maisons de tolérance ont été définitivement fermées en France par la Loi n°46-685 du 13 avril 1946 dite MARTHE RICHARD. Cependant la seule mesure restrictive des fermetures d’établissement a été un échec quant à la marchandisation des corps et toutes les questions sanitaires liées au fléau. C’est face à ce constat que la problématique de la réouverture des maisons closes, comme possible endiguement du flot des personnes prostituées face auquel la France semble être dépassée, s’est naturellement posée. Quand on ne pense pas pouvoir régler le problème, n’est-il pas préférable de l’encadrer pour mieux le surveiller ?  Les maisons de passe sont–elles des réponses de moindre mal pour « protéger » les personnes prostituées ? Les personnes prostitué-e-s sont elles des victimes ?  La position française de criminalisation des personnes prostituées est elle efficace ?  Faut-il pénaliser le client ? Quelles leçons pouvons-nous tirer des différentes positions légiférantes de nos voisins européens ?

Déroulé de la soirée et interventions :

Afin de conserver la confidentialité du café philo, les différentes interventions ne  seront volontairement pas attribuées à leur défenseur-e respecti-f-ve.

Une grande partie du débat s’est naturellement concentrée sur les pays étant déjà intervenus significativement sur la question de la prostitution en l’abolissant ou en la légalisant pleinement. Du côté de la légalisation, l’Allemagne, les Pays Bas, la Suisse font partie des pays où la prostitution et les maisons closes sont légales et règlementées. Pour Ursula Reichling, procureure générale allemande et auteure d’un rapport pour la Commission européenne sur le sujet: « Depuis la dépénalisation, le nombre de victimes du trafic d’êtres humains a augmenté de 40 % en Allemagne ». Cette citation résume le constat accablant fait sur les États ayant légalisé le proxénétisme et la prostitution.  Les participant-e-s au débat se sont accordé-e-s majoritairement pour dire que cette méthode n’était pas la réponse adéquate face aux multiples visages que la prostitution pouvait emprunter en France.

Actuellement la France possède une position équivoque sur la question de la prostitution. Aujourd’hui elle n’est pas réprimée en tant que telle mais le racolage et le proxénétisme sont punis par la loi. Cette absence de réglementation contribue à la marginalisation des personnes prostituées et renforce leur isolement, ayant très peu de recours en cas de violences.  Les personnes prostituées  souhaitant se réinsérer ne peuvent s’appuyer que sur le milieu associatif limité dans ses moyens. La personne « escort indoor » ayant souhaité intervenir lors du café philo a insisté sur le sentiment de solitude. Elle a déploré l’absence de points d’écoute pour des personnes dans sa situation.
Il a été rappelé que 80% des prostitué-e-s étaient d’origine étrangère. Ce statut d’anonyme contribuait, dans leur isolement, à les exposer en plus grande partie à des risques d’agressions, le proxénète et le client agresseur se sentant encore plus invulnérables face à une cliente « muette ».

Enfin les pays abolitionnistes comme la Suède, la Norvège ou l’Islande, où la personne prostituée est considérée comme victime d'un système qui l’exploite, refusent toute forme de pénalisation de la personne prostituée et poursuivent les « clients-prostitueurs ». En Suède, le bilan de plus de dix ans de loi abolitionniste est positif, la prostitution de rue a nettement diminué, La police nationale indique que le recrutement de nouvelles femmes pour la prostitution a quasiment cessé et nombre de personnes prostituées se sont dirigées vers des structures adaptées pour se réinsérer socialement.

Bilan :

Malgré le constat nordique encourageant, tous-tes les intervenant-e-s se sont accordé-e-s à dire que le vote d’une loi était insuffisant, bien que nécessaire, pour répondre au problème de l’exploitation sexuelle.


Sabah

Osez le féminisme ! demande au gouvernement :

  1. la suppression de toutes les mesures répressives à l’encontre des victimes de la prostitution,
  2. la mise en place de moyens de protection et d'accompagnement social, incluant l'accès à la santé et au logement pour toutes les personnes prostituées,
  3. la mise en place de véritables alternatives à la prostitution et l'ouverture de droits effectifs pour toutes les personnes prostituées, y compris étrangères,
  4. l’interdiction de tout achat d’un acte sexuel et la pénalisation des clients,
  5. le renforcement de la lutte contre toute forme de proxénétisme,
  6. une politique ambitieuse d’éducation à une sexualité libre et respectueuse de l’autre, et à l’égalité entre les femmes et les hommes,
  7. une politique de prévention de la prostitution, et de formation et d’information à ses réalités.


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