mardi 15 octobre 2013

Portrait associatif #2 / Ecoute Brunehaut et Brunehaut Enfant


Rencontre avec Oriane Van Den Berghe, éducatrice spécialisée, 
et Clémentine Gorisse, psychologue de l'association

Ecoute Brunehaut et Brunehaut Enfant”

Association spécialisée dans les violences conjugales

Zoom sur le parcours professionnel  d’Oriane et Clémentine

Oriane Van Den Berghe est diplômée d’une licence de sociologie et éducatrice spécialisée de formation. C’est lors d’un stage dans un centre d’hébergement pour femmes et enfants qu’elle prend conscience du rôle des violences conjugales dans la précarisation de beaucoup de femmes. Au fur et à mesure de sa pratique, elle devient militante, se rendant compte que “La situation actuelle des femmes est très fragile.”. Elle travaille au Service Brunehaut Enfant depuis maintenant trois ans.

Le diplôme de Psychologue en poche, Clémentine Gorisse, est entrée au service Brunehaut Enfant après avoir travaillé au service Ecoute Brunehaut et avoir réalisé un stage dans un centre d’hébergement pour femmes et enfants au sein de l’association Accueil et Réinsertion Sociale. Pour Clémentine “Le féminisme fut d’abord une lutte révolue, je l’imaginais plutôt pour les femmes d’autres pays. Finalement depuis que je travaille ici et avec le travail de prévention que nous effectuons, ma pensée a évolué.”.

Oriane et Clémentine

Présentez nous votre association...

Dites-nous quand et comment est née “Ecoute Brunehaut enfant” ?
A l’origine, Monsieur Jalain est Directeur Général de l’association “Accueil et Réinsertion Sociale” (ARS) qui comprend plusieurs foyers et services d’accueil et d’accompagnement pour les femmes avec ou sans enfants. Lorsqu’il comprend que 80% des femmes accueillies dans les foyers sont victimes de violences conjugales, il décide de créer le pôle Brunehaut. Ce pôle ouvre à Liévin en 2002 et propose alors un service d’écoute téléphonique, un service d’écoute sur entretien ainsi qu’un service d’accompagnement aux démarches administratives en lien avec les violences conjugales (médecine légale, avocat...). En janvier 2005, l’antenne de Lille est créée. En 2006, à Fives, nous créons un service d’hébergement avec l’ouverture de chambres de transit. Ensuite, une réflexion importante sur la souffrance des enfants voit le jour et entraîne la naissance du service “Brunehaut Enfant” en 2009.


Quels en sont les objectifs, quels sont vos champs d’action ?
L’écoute, l’accueil, l’accompagnement et l’hébergement des femmes victimes de violences conjugales sont nos priorités.

Avant toute chose, nous respectons le rythme de chaque femme qui vient nous solliciter. Par exemple, certaines femmes ne veulent pas quitter leur conjoint violent, certaines arrivent en nous disant “je vous préviens, je ne quitterai pas mon mari”. Nous leur apportons alors un soutien adapté afin qu’elles s’en sortent tout en respectant leur volonté. Notre rôle n’est pas de définir ce que signifie “s’en sortir”, notre rôle est de savoir s’adapter à la demande de chaque femme et de trouver des solutions en conséquence.  

Nous accueillons également les enfants exposés à la violence conjugale et proposons un suivi psychologique lorsque la mère le demande. Un travail peut se faire en parallèle par un soutien apporté aux mères victimes.

La prévention contre les violences sexistes en milieu scolaire fait aussi partie de nos missions et ce, dès la maternelle. Nous cherchons à amorcer une réflexion sur les représentations des rapports entre garçons et filles chez les enfants et les jeunes. Notre objectif est d’amener les générations futures à des rapports plus égalitaires et ainsi de réduire les violences conjugales.

Nous avons aussi une mission de sensibilisation auprès des futurs professionnels, notamment auprès des travailleurs sociaux.

Enfin, nous faisons partie de la Fédération Nationale Solidarité Femmes, qui gère le service téléphonique national d'écoute « Violences Conjugales - Femmes Infos Services ». Le 3919 est un numéro d’écoute anonyme, gratuit depuis un téléphone fixe.

Les violences

Comment définissez-vous les violences conjugales ?
La violence conjugale est un processus de domination qu’exerce l’homme sur la femme dans le cadre d’une relation privilégiée. Cette violence peut être psychologique, physique, sexuelle, économique, administrative... La force de cette domination est telle que cette violence conjugale peut même continuer après la rupture. Nous le constatons aussi chez les enfants qui continuent d’être exposés à la violence après la séparation des parents.

Quelles situations rencontrez-vous le plus souvent ?
La violence psychologique est la plus récurrente. Bien sûr, chaque histoire est unique mais nous retrouvons toujours les mêmes phases du cycle de violence : l’accumulation des tensions au sein du couple, la crise de violence verbale, physique ou sexuelle, la déresponsabilisation de l’agresseur puis le retour à la lune de miel (plus de détails sur le site de l’association).


Quelles sont les difficultés les plus fréquentes ?
Nous constatons que de nombreux professionnels ne reconnaissent pas le phénomène de violences conjugales. Certains travailleurs sociaux, se retrouvent face à des situations où ils se positionnent uniquement sur la famille, sans prendre en compte le passé des violences conjugales. Quand un enfant ne veut plus voir un de ces parents, on pense forcément qu’on lui a interdit. Mais si vous saviez le nombre d’enfants qui ont peur pour leur mère parce qu’ils sont persuadés qu’elles auraient pu mourir sous les coups ! Les professionnels dédramatisent la violence conjugale et vont même jusqu’à la taire. Pour eux, les enfants doivent oublier. Une femme sur dix est victime de violences conjugales, ne l’oublions pas !

Qu’en est -il de la situation dans le Nord Pas de Calais ?
Dans le Pas-De-Calais, les auteurs de violences conjugales peuvent disposer d’alternatives aux poursuites avec l’intégration de groupes de responsabilisation par exemple. Par contre, dans le Nord, il n’existe aucune prise en charge spécifique mis à part le dispositif TREVH (Temps de recherche et d'évaluation de la violence des hommes) de l’Association intercommunale d'aide aux victimes et de médiation.(AIAVM)

Quelles évolutions avez-vous noté depuis la création de l’€™association ?
Une amélioration de l’accueil dans les commissariats. Les policiers sont maintenant formés une fois par an et la loi semble mieux appliquée.
Concernant une possible baisse des violences physiques, c’est difficile à mesurer car nous avons peu de statistiques.

Dites nous quelles sont les démarches à suivre, vers qui on peux se tourner ?

Quel premier conseil donnez-vous à une personne victime de violence ?
Il est important de sortir de sa solitude, de commencer à en parler et si possible de se tourner vers des personnes capables d’écouter sans porter un jugement. C’est parfois compliqué de trouver une telle personne car les proches connaissent l’auteur, et ils peuvent être pris eux-mêmes dans la souffrance. De plus, beaucoup de femmes nient encore ces violences.

L’écoutant(e) doit déculpabiliser la personne et lui faire prendre conscience qu’elle est avant tout une victime. Ce qu’elle a vécu, ce n’est pas normal. Ensuite, elle peut l’orienter vers des services comme le nôtre où la victime trouvera un soutien et un accompagnement adapté à son rythme.

Que diriez vous à une personne victime de violence, qui aurait peur de mettre fin à une relation avec l’auteur des violences ?(Quel qu'en soit le motif : peur des représailles, problèmes liés au logement, aux enfants, conséquences économiques...)
C’est compliqué car chaque victime a ses propres barrières. Cela peut même être l’animal de compagnie. Souvent la peur de quitter le domicile familial est liée aux enfants. Les femmes pensent qu’il est important pour les enfants d’avoir un papa et une maman sous le même toit. Nous leur expliquons alors que le climat de violences est loin d’être idéal pour les enfants et que dans ce contexte, il est préférable d’avoir des parents séparés et un foyer calme et serein. Les mamans arrivent à quitter leur conjoint lorsqu’elles prennent conscience de l’impact des violences sur leurs enfants.

Il faut surtout rappeler qu’il y a toujours des solutions. On n’a jamais laissé une femme à la rue, jamais jusqu’à aujourd’hui. Quand une femme fait appel à notre association elle a la possibilité de ne plus être seule face à sa situation.

Quelles sont les démarches administratives qu’une personne doit effectuer si elle est victime de violences ?
Lorsqu’il y a des coups, l’important est de faire des certificats médicaux à la médecine légale ou auprès d’un médecin généraliste et de les mettre en lieu sûr. Ils pourront servir de preuve quand nécessaire, c’est important.

Le dépôt de plainte est possible mais c’est mieux s’il est réfléchi et préparé avec un professionnel. Des fois il vaut mieux attendre quelques mois afin que la victime soit prête et qu’elle soit à l’abri. Car avant tout, elle doit sauver sa peau. La sécurité physique prévaut à la plainte. Il peut être important que soient indiquées aux femmes les conséquences d’un dépôt de plainte afin qu’elles puissent se préparer.

Et quel(s) conseil(s) donneriez-vous à une personne témoin ?
Tout dépend de la situation. En tant que voisin, si on entend une grosse crise, il faut appeler la police sans hésiter. Si on sait qu’un enfant est en danger, il y a obligation de le signaler aux autorités. Le plus simple est d’utiliser le 119, numéro vert “Allô enfance en danger”. Si c’est une amie, l’important est de rester présent(e), lui dire que quelle que soit sa décision, elle peut être hébergée sans problème, qu’il existe un numéro, le 3919, qui est gratuit et qui permet d’être écoutée et orientée vers une association spécialisée. Le tout est de respecter ses décisions personnelles, son cheminement. C’est elle qui fait ses choix.

La reconstruction de la personne victime : que diriez-vous à une personne qui pense que c’est inutile d’avoir recours à une aide psychologique ?
C’est une démarche très personnelle, il faut en avoir envie. C’est important mais pas indispensable. Il y a des femmes qui s’en sortent réellement sans aide psychologique, en reprenant une vie sans violence à travers de nouvelles unions notamment. Parfois le suivi psychologique peut juste aider à aller un  peu plus vite et surtout, à ne pas retomber dans des pièges de domination.

Il y a aussi des femmes pour qui il est difficile de reprendre le dessus tant elles ont été démolies. Il faut réussir à comprendre ce qui s’est passé pour retrouver un équilibre pour soi même. Le travail consiste à comprendre comment elles ont fait pour accepter ces violences, pourquoi elles n’ont pas su dire stop au bon moment, pouvoir déceler les petits signes avant l’engrenage, savoir jusqu’où elles mettent leurs limites. Certaines reproduisent un schéma et ne se retrouvent qu’avec des compagnons violents.

Enfin, il y a aussi le regard porté sur soi qui entre en jeu.

Retour sur l’action de l’association

Comment mesurez-vous les effet de vos actions sur les personnes que vous avez reçues ?
Nous avons des retours positifs, notamment de mamans et leurs enfants qui parviennent à mettre des mots sur leur vécu et celui des enfants, qui arrivent à parler de leur départ et surtout qui ont réussi à retrouver une certaine quiétude. Chacun retrouve sa place au sein de la famille.

Pour le côté prévention, les équipes enseignantes et pédagogiques ont compris qu’il est nécessaire d’aborder ce sujet. Permettre aux jeunes de s’exprimer sur l’égalité femmes-hommes est important car ils n’en ont jamais l’opportunité. Nous réussissons à remettre du sens à la mixité et les ambiances de classe s’en font souvent ressentir. Lors de nos interventions, nous mettons en place un processus de valorisation. Cela remotive même certains élèves qui étaient en décrochage scolaire. Après nos échanges, des groupes sont parfois mis en place pour réaliser des exposés. Les élèves demandent même à nous revoir !

Une réussite de l'association ?
Nous nous souvenons d’une famille avec une grande problématique de violences conjugales que nous avons accompagnée pendant quelques temps. Nous avions créé un partenariat avec un juge mais ce fut un chemin de longue haleine avec de nombreuses frayeurs. Les décisions de justice ont pris du temps et il a fallu gérer l’angoisse de la famille. Finalement, ils ont eu gain de cause et tout le monde s’est relevé. Les enfants ont maintenant plein de projets. C’est encourageant pour notre travail au quotidien.





Quel est le meilleur moyen pour vous contacter ? Peut -on venir directement dans votre local ?
Par téléphone au 09.71.55.23.12


Plus d’informations sur nos missions sur le site www.violencesconjugales5962.fr
Les accueils se feront sur rendez vous, dans la semaine suivant la prise de contact.
Nous recevrons dans un premier temps la mère seule et ensuite la mère et son enfant.

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